Centre local

Un palais de pierre sèche a poussé de la falaise près d'un torrent opportunément placé. Il faut pour le trouver avoir été emmené par un plus vieux, à qui vous ne faites pas craindre de perdre la face. Car là vit le Maître des Voies.

Après la pièce orthogonale, abondamment éclairée par des ouvertures au placement calculé, et dans laquelle sèchent diverses plantes odorantes, la grotte informe du Maître est un sombre terrier puant qui semble résulter d'un effondrement naturel récent.

Le temps que l'oeil et le nez s'adaptent, et voilà les lisses coussins colorés éclairés chichement par la luxueuse lumière d'une lampe au verre dont la géométrie absurde diffuse au hasard des reflets irisés sur les objets inconnus qui, partout où le regard porte (et de manière plus inquiétante, où il ne porte pas), tentent de raconter une histoire étrange.

La nouvelle odeur n'est plus celle, subtile, de foin amélioré de la géométrique entrée, mais une composition compliquée et dense de flaveurs fruitées, résineuses, fermentées, torréfiées. Des vapeurs et des fumées divines flottent dans l'air pourtant léger au-dessus d'un plateau en métal martelé. Balances et boîtes ouvragées y font un petit jardin de laiton et d'ivoire dont le dieu bienveillant est un petit vieillard sec au regard incisif, installé en tailleur face à l'entrée ombragée, et qui apparait déjà scrutant dans la disparition de l'éblouissement.

Cet homme ne demande rien: on lui donne pour avoir des réponses. Après lui avoir fait cadeau d'un échantillon convenable, on est accueilli en hôte jusqu'à ce que la perspective du coucher du soleil oblige à partir, et on a de vraies réponses aux questions. 

Du moins si elles concernent l'état des voies et marchés de tous ces produits dont l'odeur se colle aux vêtements et vous suit encore pendant votre retour au camp. Retour tardif, tant la conversation a été intéressante. Encore qu'en y repensant dans la fraîcheur vivifiante de la marche nocturne, il soit possible que vous n'en ayez appris que pour la valeur de votre cadeau, mais en ayez dit bien plus.

Mais ainsi vit le Maître des Voies, et garde à vous de perdre la face à ses yeux.